Le
procès des sorcières de Salem est
un épisode fameux de l'histoire coloniale
des États-Unis qui vit la condamnation
et l'exécution de personnes accusées
de sorcellerie en 1692 dans le Massachusetts.
Généralement analysé comme
découlant d'une période de luttes
intestines et de paranoïa puritaine, ce procès
causa la mort de 25 personnes et l'emprisonnement
d'un bien plus grand nombre.
Les
faits
Début
de l'affaire
Epilogue
Causes
de l'hystérie
Les
faits
En
1692, à Salem Village (aujourd'hui Danvers),
quelques jeunes filles, notamment Abigail Williams,
Ann Putnamet Betty Parris, accusèrent certains
concitoyens d'être possédés
par Satan et d'être ainsi des sorciers ou
des magiciens.
La
communauté, assiégée par
les indiens et dépourvue de gouvernement
légitime, ajouta foi aux accusations et
condamna les personnes mises en cause à
avouer les faits de sorcellerie ou à être
pendues. Les accusations s'étendirent rapidement.
En moins de deux mois, les communautés
suivantes furent concernées : Andover,
Amesbury, Salisbury, Haverhill, Topsfield, Ipswich,
Rowley, Gloucester, Manchester, Malden, Charlestown,
Billerica, Beverly, Reading, Woburn, Lynn, Marblehead,
et Boston.
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Début
de l'affaire
Durant
l'hiver glacial de 1691/1692, Betty Parris et
Abigail Williams, respectivement fille et pupille
du révérend Samuel Parris, se mettent
à agir d'une curieuse manière :
elles parlent étrangement, se cachent,
traînent des pieds en marchant. Les médecins
consultés ne parviennent pas à identifier
le problème ; l'un d'eux conclut même
à une possession satanique. Parris et les
autres notables de la ville pressent Betty et
Abigail, puis les autres jeunes filles atteintes
de manière identique, Ann Putnam, Betty
Hubbard, Mercy Lewis, Susannah Sheldon, Mercy
Short, et Mary Warren, de nommer ceux qui les
ont maudites. Les jeunes filles se décident
alors à donner des noms.
Les
trois premières femmes accusées
sont Sarah Good, Sarah Osborne, and Tituba. Sarah
Good est une mendiante, fille déshéritée
d'une aubergiste française qui s'était
donnée la mort quand Sarah était
adolescente, une femme louche : elle murmure quand
on lui donne de la nourriture. Sarah Osborn est
une vieille femme, alitée, qui a mérité
la réprobation générale en
captant l'héritage des enfants de son premier
mari pour le remettre à son nouvel époux.
Quant à Tituba, c'est l'esclave caraïbe
de Samuel Parris.
Arrestation d'une sorcière, illustration
de 1883
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Arrestation d'une sorcière, illustration
de 1883
Les
trois femmes sont officiellement accusées
de sorcellerie le 1er mars 1692 et mises en prison.
D'autres accusations suivent : Dorcas Good (la
fillette de Sarah Good, âgée de 4
ans), Rebecca Nurse (une grand-mère malade
et pieuse), Abigail Hobbs, Deliverance Hobbs,
Martha Cory, ainsi qu'Elizabeth et John Proctor.
Les prisons se remplissent progressivement et
un nouveau problème surgit : sans forme
légitime de gouvernement, les accusés
ne peuvent être jugés. Ainsi, aucun
procès n'a lieu avant la fin mai 1692,
lorsque le gouverneur Phips arrive et institue
une Court of Oyer and Terminer (to « hear
and determine », entendre et décider).
Sarah Osborn est déjà morte en prison
sans avoir été jugée, Sarah
Good a accouché d'une petite fille, plusieurs
autres accusés sont malades. Environ 80
personnes attendent leur procès dans les
geôles.
Pendant
l'été, la cour est en session une
fois par mois. Une seule accusée est relâchée,
après que les jeunes accusatrices se rétractent
à son sujet. Tous les procès se
terminent par la condamnation à mort de
l'accusé pour sorcellerie, aucun acquittement
n'est prononcé. Seuls ceux qui plaident
coupable et dénoncent d'autres suspects
évitent l'exécution capitale. Elizabeth
Proctor, et au moins une autre femme, bénéficient
d'un sursis à exécution «
parce qu'elles sont grosses » (« for
the belly », enceintes) : quoique condamnées,
elles ne seront pendues qu'après la naissance
de leur enfant. Une série de quatre exécutions
a lieu au cours de l'été, avec la
pendaison de 19 personnes, au nombre desquels
: un ministre du culte respecté, un ancien
policier qui a refusé d'arrêter davantage
de prétendues sorcières, et trois
personnes disposant d'une certaine fortune. 6
des 19 victimes sont des hommes ; la plupart des
autres sont de vieilles femmes misérables.
Une
seule des mises à mort ne s'accomplit pas
par pendaison. Giles Cory, une fermier âgé
de 80 ans, refuse de se défendre en justice.
La loi prévoit dans ce cas l'application
d'une forme de torture dénommée
peine fort et dure, consistant à empiler
une à une de larges pierres sur la poitrine
du prévenu, jusqu'à l'écrasement
; après trois jours d'atroces douleurs,
Cory meurt en persistant dans son refus de se
défendre. On a pu croire de manière
erronée que Cory refusait de se défendre
devant la cour pour éviter la confiscation
de ses biens par l'État : en fait, les
confiscations n'étaient pas systématiques
et intervenaient le plus souvent avant le procès
et la condamnation. On pense maintenant que l'attitude
de Cory s'explique par le caractère buté
et procédurier du vieil homme, qui se savait
condamné d'avance.
La
terre souffre autant que les hommes. Les bêtes
ne sont plus soignées, les récoltes
sont laissées à l'abandon. Des accusés
prennent la fuite vers New York ou au-delà
pour échapper à l'arrestation. Les
scieries sont vides, leurs propriétaires
disparus ou perturbés, leurs employés
badaudant devant les prisons, participant aux
réunions communautaires, ou eux-mêmes
arrêtés. Le commerce ralentit fortement.
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Épilogue
Les
procès en sorcellerie s'achèvent
en octobre 1692, les accusés sont progressivement
mis en liberté jusqu'au printemps suivant.
Officiellement, le gouverneur royal du Massachusetts,
Sir William Phips, met un terme à la procédure
après l'appel formé par le clergé
bostonnien mené par Increase Mather. Celui-ci
publie un « Cases of Conscience Concerning
Evil Spirits » (Cas de conscience regardant
les esprits maléfiques) le 3 octobre 1692,
ouvrage qui contient notamment la phrase suivante
: « Il apparaît préférable
que dix sorcières suspectées puissent
échapper, plutôt qu'une personne
innocente soit condamnée » (It were
better that Ten Suspected Witches should escape,
than that the Innocent Person should be Condemned).
L'affaire
a eu un impact si profond qu'elle a contribué
à réduire l'influence de la foi
puritaine sur le gouvernement de Nouvelle-Angleterre
et a indirectement conduit aux principes fondateurs
des États-Unis d'Amérique
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Causes
de l'hystérie
Plusieurs théories tentent
d'expliquer pourquoi la communauté de Salem
Village a explosé dans ce délire
de sorcières et de perturbations démoniaques.
La plus répandue consiste à affirmer
que les puritains, qui gouvernèrent la
colonie de la baie du Massachusetts pratiquement
sans contrôle royal de 1630 à la
promulgation de la Charte en 1692, traversa une
période d'hallucinations massives et hystériques
provoquées par la religion. La plupart
des historiens modernes trouvent cette explication
simpliste. D'autres théories s'appuient
sur des analyses fondées sur des faits
de maltraitance d'enfants, ou de divinations tournant
mal, d'ergotisme (le mal des ardents du moyen-âge,
cf. l'ergot de seigle qui contient une substance
que l'on retrouve dans le LSD), de complot de
la famille Putnam pour détruire la famille
rivale Porter, ou encore s'élaborent sur
le thème de l'écrasement social
des femmes.
La communauté puritaine
vivait dans l'angoisse. Après avoir perdu
sa charte lors de la seconde révolution
anglaise, elle ignorait toujours, au printemps
1692, de quoi son futur serait fait. En butte
aux attaques incessantes des indiens, elle ne
pouvait compter sur le soutien anglais. Sa milice
se recrutait uniquement en son sein et sa population
avait été décimée
au cours du soulèvement général
des indiens de 1675-1676, la King Philip's War
: en Nouvelle-Angleterre, un colon sur dix avait
trouvé la mort dans les attaques indiennes.
Quoique ces évènements fussent terminés,
les raids et les coups de mains indiens se produisaient
épisodiquement. La Nouvelle-Angleterre
se transformait en une colonie marchande. Puritains
et non-puritains s'enrichissaient, ce que les
puritains considéraient comme un péché
autant que comme une nécessité.
Au fur et à mesure que la classe des marchands
s'élevait dans l'échelle sociale,
le clergé déclinait.
Parmi les théories modernes,
celle de Mary Beth Norton dans In The Devil's
Snare (Dans le piège du Diable) est peut-être
l'une des plus convaincantes. Mary Norton considère
que toutes les explications évoquées
ci-dessus ont probablement joué un rôle
important mais qu'il s'y ajoute la circonstance
que Salem et le reste de la Nouvelle-Angleterre
étaient harcelés par les attaques
indiennes, ce qui a créé une atmosphère
de peur qui contribua beaucoup au développement
de l'hystérie. Mary Norton insiste sur
le fait que la plupart des victimes d'accusations
possédaient de forts liens personnels ou
sociaux avec les attaques indiennes dans les quinze
années qui précédèrent
les évènements. Les accusateurs
faisaient fréquemment référence
à un homme noir (a black man), soutenaient
l'existence de sabbats entre les sorcières
prétendues et les indiens, et décrivaient
des tortures provenant directement des récits
de captivité entre les mains des indiens.
De plus, le clergé puritain assimilait
souvent les indiens aux démons, les associait
aux sorciers et, au cours d'interminables sermons
enflammés, fustigeait Satan et ses cohortes
assiégeant les puritains, la sainte armée
de Dieu. Le combat des indiens devenait l'assaut
des forces du mal essayant d'abattre la société
puritaine, et il fallait s'attendre à des
attaques du dedans aussi bien que du dehors. Vers
1691, les puritains étaient mûrs
pour l'hystérie magique.
Salem
Village constituait en lui-même un microcosme
d'angoisse puritaine. La moitié du village
était constituée de paysans qui
approuvaient le révérend Samuel
Parris dans ses efforts pour se séparer
de la ville de Salem Town et instituer une cité
à part entière ; l'autre moitié
du village voulait rester dans le périmètre
de Salem Town et de ses flux commerciaux et refusait
de contribuer à l'entretien de Parris et
de sa famille. Par ailleurs, de nombreux rescapés
d'attaques indiennes dans le Maine et le New Hampshire
étaient abrités chez des parents
à Salem, apportant avec eux d'horribles
récits. En 1691, Salem Village était
un véritable baril de poudre et les jeunes
filles possédées furent l'étincelle
qui fit tout exploser.
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Dossier
tiré de Wikipédia
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